VIH
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Docteur Thomas HULEUX
LE PATIENT VIH EN MEDECINE GENERALE ET EN MEDECINE DE VILLE
Depuis la découverte du VIH il y a plus de 30 ans, 30 millions de personnes en sont décédées et plus de 30 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde dont plus 95% dans les pays les plus défavorisés économiquement.
En France, ce sont 140 à 150 000 personnes qui vivent avec le VIH avec une incidence annuelle de 6 000 nouveaux cas (306 dans le Nord-Pas-de-Calais).
Depuis l’ère des trithérapies antirétrovirales, une meilleure prise en charge rime avec une meilleure espérance de vie d’où une augmentation du nombre de personne vivant avec le VIH de 3 500 par an.
A) ACCIDENT D’EXPOSITION SEXUEL AU VIRUS:
« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :
… informe les patients de la conduite à tenir en cas d’exposition au VIH (Accord fort sur le caractère approprié)
… accueille une personne ayant été exposée à un risque de transmission du VIH, lui propose une orientation, et l’adresse à un service d’urgences ou de maladies infectieuses dans les délais adaptés (Accord fort sur le caractère approprié)
… aborde la question de la transmission et de la prévention des IST en général, de l’infection par le VIH en particulier (Accord fort sur le caractère approprié)
… pratique les vaccinations recommandées (accord relatif sur le caractère approprié) »
Les recommandations de prise en charge en cas d’accident d’exposition sexuel au virus sont définies dans le rapport d’expert YENNI 2010; elles sont aussi disponibles sur le site
www.infectio-lille.com dans les procédures régionales des accidents d’exposition aux virus.
Il est nécessaire de connaître le risque de transmission du VIH selon le statut du patient source qui serait porteur du VIH, le risque maximum étant celui d’un rapport anal réceptif non protégé.
- Rapport anal réceptif non protégé = 0,3-3 %
- Rapport anal insertif non protégé = 0,05-0,18 %
- Rapport vaginal réceptif non protégé = 0,05 a` 0,15 %
- Rapport vaginal insertif non protégé = 0,03 a` 0,09 %
- Fellation = 0,04 %
Le statut sérologique du patient source et /ou les conditions d’exposition déterminent la conduite à tenir :
- Pour le VIH : Le traitement antiviral en post exposition diminue ou prévient le risque de contamination. La prise de la trithérapie doit être précoce dans les 4 heures au mieux et avant 48 heures.
- Pour le VHB: Le statut vaccinal et ou sérologique de la personne exposée et de la source permettent l’indication dans les 72 heures, d’un rappel vaccinal ou d’une primo vaccination associée ou non aux Immunoglobulines spécifiques anti-VHB. Assurer une protection par une vaccination VHB complète et certifiée est une priorité absolue.
- Pour le VHC: Il n’y a toujours pas d’indication de traitement immédiat en post exposition. Une surveillance rapprochée est recommandée pour dépister précocement une hépatite biologique par l’élévation des ALAT et ou la détection de l’ARNVHC pour la mise précoce sous traitement par bithérapie : Peginterféron et Ribavirine.
Les critères de mise en route d’un traitement post exposition (TPE) au VIH sont définis dans le tableau suivant :
Usage de drogue intraveineuse ; homme ayant des rapports avec des hommes (HSH) ; statut source inconnu et appartenance à un groupe de prévalence > 1% ; situation à risque comme rapport non protégé, rupture préservatifs, prise de substances psycho actives, partenaires sexuels multiples.
Un TPE peut donc être indiqué et initié rapidement (< 48h00) dans un service de référence aux heures ouvrables (SURMIV 03/20/69/46/05) ou dans un service d’urgence 24h/24 au moyen d’un KIT de 2-3 jours avec réévaluation ensuite par un médecin référent. Le TPE est prescrit pour un mois et le contrôle des sérologies VIH après celui du bilan initial sera effectué à 2 mois puis à 4 mois de l’exposition.
Si un TPE n’est pas indiqué ou s’il n’a pas pu être initié dans les délais recommandés, le contrôle de la sérologie VIH sera effectué à 6 semaines après l’exposition à risque, délai de séroconversion avec les derniers tests ELISA combiné de 4ème génération (VIH1/2/AgP24).
Le dépistage des autres IST sera également effectué (chlamydia trachomatis par PCR, syphilis, VHB, VHC…) et une contraception du lendemain sera également proposée.
B) DÉPISTAGE : POUR QUI?
On estime que 30 à 50 000 personnes vivent avec le VIH en France sans le savoir.
Dans le plan national de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014, l’une des mesures est de proposer, dans le système de soin par les professionnels de santé de premier recours, un test de dépistage du VIH à la population générale hors notion de risque d’exposition ou de contamination par le VIH. Il est alors recommandé de proposer un test de dépistage à la population générale de 15 à 70 ans à l’occasion d’un recours aux soins notamment chez les médecins généralistes. Le dépistage sera proposé à tout patient n’ayant pas été dépisté.
En effet, 5 millions de sérologie VIH sont réalisées annuellement dont les ¾ en ville. Une part croissante des séropositivités est diagnostiquée en ville avec plus de diagnostics précoces notamment chez les homosexuels par rapport à l’hôpital mais moins de « séniors » comme l’indique le tableau INVS suivant :
Un tiers des découvertes de séropositivité sont encore réalisées à un stade très tardif de l’infection et quand on regarde le stade au moment de la découverte de séropositivité, on dépiste plus à un stade précoce un jeune appartenant à un groupe à risque mais plus tardivement une personne plus âgée n’appartenant pas à un groupe à risque. Les découvertes de séropositivité après 50 ans ne sont pas exceptionnelles puisqu’elles concernent environ 1 100 personnes en 2010, soit 18% de l’ensemble des découvertes. La part de cette classe d’âge a augmenté depuis 2003 avec un diagnostic souvent réalisé à un stade tardif.
C) LE TEST À VISÉE DIAGNOSTIC :
« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :
… identifie les situations cliniques devant faire évoquer une infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié)
… propose le dépistage de l’infection par le VIH et prescrit les tests adaptés au dépistage et au diagnostic de l’infection par le VIH (Accord fort sur le caractère approprié) »
« Le médecin de ville doit proposer un test de diagnostic de l’infection à VIH :
… en cas de tableau clinique évocateur de primo-infection (Accord fort sur le caractère approprié)
… dans les situations cliniques mineures classant au stade B de la classification internationale, tels une candidose oro-pharyngée, une leucoplasie orale chevelue, un zona notamment chez un adulte jeune, une mono névrite (paralysie faciale, oculo-motrice) ou une polynévrite, une dysplasie du col utérin (Accord fort sur le caractère approprié)
… certaines manifestations dermatologiques inhabituelles, tels un prurigo, un prurit inexpliqué, une dermite séborrhéique récurrente (Accord fort sur le caractère approprié)
… des situations biologiques, telles une thrombopénie, une lymphopénie, une hyperlymphocytose avec syndrome mononucléosique, (Accord fort sur le caractère approprié)
… dans les situations cliniques majeures classant au stade C de la classification internationale (Accord fort sur le caractère approprié) : infections opportunistes (pneumocystose pulmonaire, toxoplasmose cérébrale, candidose œsophagienne, tuberculose quel que soit son siège, infection systémique à CMV, mycobactériose, herpès chronique ou viscéral), cancers opportunistes (LMNH, maladie de Kaposi, cancer invasif du col utérin), démence d’un sujet jeune, altération importante et inexpliquée de l’état général »
En cas de positivité VIH d’un test ELISA de 4ème génération (détection combinée des anticorps anti-VIH-1 et -2 et de l’Ag p24), le laboratoire a recours à un test de confirmation (western-blot ou immunoblot) sur le même prélèvement. Mais le diagnostic de l’infection VIH ne sera posé qu’après avoir validé la positivité du test de dépistage sur un nouveau prélèvement.
Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire et la fiche de déclaration a été récemment modifiée :
D) EN CAS DE SÉROPOSITIVITÉ VIH CONFIRMÉE :
Il faut définir le statut immuno-virologique du patient. Celui-ci permet d’orienter plus ou moins en urgence le patient vers une structure de référence dans la prise en charge du VIH. Il est défini biologiquement au moyen du typage lymphocytaire (nombre de lymphocyte TCD4+) pour le statut immunologique et au moyen de la quantification de la charge virale VIH par PCR pour le statut virologique.
Le risque d’infection opportuniste est important avec un statut immunologique fortement déprimé à moins de 200 CD4/mm3 (corrélée avec une charge virale VIH le plus souvent élevée). Il nécessite dans ce cas une prise en charge urgente. Par ailleurs, dans ce cas et en l’absence de signe clinique, une chimioprophylaxie primaire anti-pneumocystose par BACTRIM faible® devrait être instaurée à la posologie d’un comprimé par jour.
Les indications actuelles de mise sous traitement sont : sur le plan immunologique, des CD4 < 500/mm3 ; sur le plan virologique, une charge virale VIH > 100 000 copies/ml; sur le plan clinique, un VIH symptomatique.
E) LE SUIVI DU PATIENT VIH SOUS TRAITEMENT:
« Dans le cadre de ses missions de soins de santé primaires, le médecin généraliste :
… s’informe des traitements médicamenteux pris par le patient, y compris les traitements alternatifs, et vérifie leurs interactions possibles (Accord relatif sur le caractère approprié)
… s’assure de l’observance de son traitement par le patient (Accord fort sur le caractère approprié)
… prend contact rapidement avec un médecin spécialiste en cas d’effet indésirable grave en relation avec un traitement antirétroviral (Accord fort sur le caractère approprié) »
Le traitement anti-rétroviral est basé sur la trithérapie. Cependant, la bithérapie voire la monothérapie sont également possibles. Les prises sont généralement simplifiée (possibles en une seule prise par jour et possibles avec un seul comprimé par jour). La tolérance globale est bonne et les effets indésirables à court et moyen terme connus et peuvent être évités.
L’objectif immuno-virologique d’un traitement ARV est d’obtenir une charge virale VIH indétectable et un statut immunologique satisfaisant (> 500/mm3). On estime qu’une personne ayant atteint cet objectif a la même espérance de vie qu’une personne non infectée par le VIH.
Afin d’atteindre cet objectif, il est nécessaire :
- de s’assurer d’une bonne observance thérapeutique du patient : prise régulière et sans oubli, à heure fixe, avec (ex : classe d’inhibiteur de protéase) ou à distance (ex : SUSTIVA® contenu également dans l’ATRIPLA®) d’un repas selon le traitement utilisé
- de vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse pouvant diminuer la concentration et donc l’efficacité des anti-rétroviraux, y compris en automédication (ex des IPP qui diminue la concentration du REYATAZ® ou de l’EVIPLERA®)
F) LES COMORBIDITÉS :
- Carcinologique : suivi gynécologique/proctologique avec frottis cervico-vaginal/anal annuel
- Cardio-vasculaire : considérer le VIH comme un facteur de risque cardio-vasculaire à part entière (suivi cardiologique et prévention sur les autres facteurs de risque évitables)
- Osseux : apport vitamino-calcique selon recommandation, activité physique, osteodensitométrie…
- Rénal : attention aux co-médications (exemple AINS/VIREAD® néphrotoxique), surveillance biologique…
- Neurologique : troubles mnésiques à dépister….
EN CONCLUSION :
- En cas d’accident d’expositions sexuelles aux virus : indication d’un traitement post-exposition le plus rapidement et dans les 48h00 au maximum
- Dépister qui?
- Tout le monde
- Régulièrement en cas de facteur de risque
- En cas de signes cliniques/biologiques pouvant faire évoquer une infection VIH
- La prévention de transmission du VIH/IST reste le préservatif
- Un traitement anti-rétroviral est indiqué si CD4 < 500/mm3, VIH >100 000 copies/ml et/ou VIH symptomatique
- Prise en charge urgente si CD4 < 200/mm3
- Indication à une prophylaxie primaire pneumocystose par BACTRIM faible® si CD4 < 200/mm3
- S’assurer d’une bonne observance thérapeutique si le patient est mis sous ARV
- Attention aux interactions médicamenteuses et co-médications
- Co morbidités cardio-vasculaires, carcinologique, osseux, … = insister sur les mesures préventives et de dépistage