L’INVALIDITE AU REGIME GENERAL DE SECURITE SOCIALE
Ce qu’il faut savoir
Docteur Philippe PETIT
1. Définitions
1.1 Code de la Sécurité Sociale
Article L. 341-1 CSS
«L’assuré a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain, c’est-à-dire le mettant hors d’état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région, par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu’il exerçait avant la date d’interruption de travail suivie d’invalidité ou la date de constatation médicale de l’invalidité si celle-ci résulte de l’usure prématurée de l’organisme ».
1.2 Caractéristiques
L’assurance INVALIDITE a pour objectif de compenser une perte de gain liée à une réduction de la capacité de travail du fait d’un ETAT GLOBAL résultant d’une pathologie ou d’une association de pathologies médicales et/ou accidentelles. Il s’agit d’un risque particulier dans la branche maladie.
D’emblée, il faut bien faire la différence entre :
- Invalidité du Régime Général (notre sujet)
- Carte d’invalidité de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées)
- Taux d’invalidité des différents régimes d’assurance.
En règle générale, l’instruction d’un dossier d’invalidité s’inscrit dans le droit fil d’un arrêt de travail de longue durée (article L 324-1 du code de la sécurité sociale) et la pension d’invalidité se substitue ainsi aux indemnités journalières de l’Assurance Maladie.
Plus exceptionnellement, si l’assuré n’est pas en arrêt de travail à la date de la demande d’invalidité et s’il n’a pas eu d’indemnités journalières dans l’année qui a précédé cette demande, le médecin conseil aura à se prononcer sur la réduction de la capacité de travail ou de gain : il s’agit alors de la reconnaissance d’invalidité au titre de l’Usure Prématurée de l’Organisme.
La pension d’invalidité relève d’un droit propre, elle est réservée aux assurés sociaux.
A l’âge légal d’ouverture du droit à pension de retraite :
- la pension d’invalidité est transformée en pension vieillesse au titre de l’inaptitude au travail (sauf si l’assuré s’y oppose), si l’assuré n’exerce aucune activité professionnelle.
- à compter du 1er mars 2010, l’assuré invalide exerçant une activité professionnelle doit expressément demander, s’il le souhaite, à bénéficier d’une pension vieillesse au titre de l’inaptitude. A défaut, il continue à bénéficier de sa pension d’invalidité jusqu’à sa demande de retraite et au plus tard jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite à taux plein.
Exonération du ticket modérateur :
Les bénéficiaires de l’invalidité (même suspendue) sont exonérés du ticket modérateur pour l’ensemble des soins, sauf les médicaments à vignette bleue (remboursée à 35 %).
Cette exonération se poursuit après la transformation de la pension d’invalidité en pension vieillesse.
2 Ouverture des droits
2.1 Conditions d’âge
Avoir un âge inférieur à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite en application de la Loi n°2010-330 du 09 novembre 2010, portant réforme de la retraite, selon le tableau ci-dessous :
Date de
naissance de l’assuré |
Age potentiel de
liquidation de la retraite à taux plein si nombre de trimestres requis |
Age de la retraite à
taux plein même si pas nombre de trimestres requis |
Année potentielle limite
de mise en invalidité |
1er juillet / 31
décembre 1951 |
60 ans et 4 mois | 65 ans et 4 mois | 2011 plus 4 mois après la
date anniversaire |
1952 | 60 ans et 9 mois | 65 ans et 9 mois | 2012 plus 9 mois après la
date anniversaire |
1953 | 61 ans et 2 mois | 66 ans et 2 mois | 2014 plus 2 mois après la
date anniversaire |
1954 | 61 ans et 7 mois | 66 ans et 7 mois | 2015 plus 7 mois après la
date anniversaire |
1955 | 62 ans | 67 ans | 2017 à la date
anniversaire |
Exemple : un assuré est né le 1er janvier 1954, il pourra être mis en invalidité jusqu’à l’âge de 61 ans et 7 mois, c’est-à-dire avant 2015 plus 7 mois après la date anniversaire
2.2 Conditions administratives
- Obligation de 12 mois d’immatriculation
- Obligation d’un nombre d’heures minimum de travail (effectif ou assimilé) au cours d’une période de référence :
- 800 heures au cours de l’année civile ou au cours des 4 trimestres précédant la date d’interruption de travail suivie d’invalidité dont 200 heures au cours du 1er trimestre (le plus éloigné de la date d’interruption de travail).
Ces conditions administratives sont indispensables, et sont étudiées uniquement par la Caisse Primaire.
3 Conditions médico – administratives
Article L. 341-2 CSS
Cet article précise les conditions permettant d’envisager l’état d’invalidité tel que défini par l’article L 341-1.
Ces conditions sont appréciées en fonction d’un état global prenant en compte l’état général, l’âge, les facultés physiques ou mentales ainsi que les aptitudes et la formation professionnelle de l’assuré.
Elles associent pour un assuré n’ayant pas atteint l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite :
- une réduction de la capacité de travail ou de gain de plus de 2/3
- l’impossibilité de prétendre à une rémunération supérieure au 1/3 du salaire de référence.
C’est dire que si le fait médical est un élément essentiel pour la décision, les renseignements d’ordre social et professionnel jouent aussi un rôle important.
Ainsi le médecin conseil doit procéder à une évaluation globale de l’incapacité de travail ou de gain de l’assuré
La réglementation n’interdit pas le cumul avec un revenu d’activité professionnelle, dans la limite du revenu antérieur.
4 Modes d’entrée
4.1 Origine de la demande
La procédure peut être mise en œuvre à l’initiative :
- de l’assuré, du conjoint survivant, du médecin traitant (dans ces cas de « demande directe », le délai de réponse de la Caisse est de 2 mois),
- du Service du contrôle médical (dans le cadre du suivi de l’arrêt de travail),
- de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (à forclusion des droits aux indemnités journalières).
4.2 Prévention de l’invalidité dans le cadre de l’article L 324-1
L’invalidité fait habituellement suite à une prise en charge au titre de l’Assurance Maladie (indemnités journalières), qu’il s’agisse d’une pathologie médicale ou accidentelle (hors risque professionnel).
La gestion par le médecin conseil de l’arrêt de travail, dans le cadre de l’article L 324-1 (affection de longue durée) a comme finalité première, la prévention de l’invalidité :
- soit par une orientation précoce vers un reclassement professionnel s’il estime que le malade aura des difficultés à reprendre son activité antérieure,
- soit par la notification de l’aptitude à la reprise d’une activité professionnelle quelconque, mettant ainsi fin aux indemnités journalières de l’Assurance Maladie (la capacité de travail n’étant pas réduite des 2/3).
Ainsi, pour tout arrêt de travail prolongé, et au plus tard avant la fin du 12ème mois, le médecin conseil devra établir un bilan médico-socio-professionnel complet (BMSP) : il devra, si possible, prendre en considération les difficultés physiques, psychologiques ou sociales qu’éprouvent les assurés en arrêt de travail prolongé à reprendre un emploi.
Le salarié peut solliciter auprès du médecin du travail une visite de pré-reprise (articles L 323-4-1 et D 323-3 du Code de la Sécurité Sociale) ; cette visite de pré-reprise doit être encouragée le médecin traitant et/ou le médecin conseil dans tous les cas où une réinsertion professionnelle semble possible soit au sein de l’entreprise, soit après une rééducation ou un reclassement professionnel.
4.3 Invalidité immédiatement après la fin des indemnités journalières
4.3.1 Par stabilisation (ou consolidation)
Stabilisation :
Moment où la maladie n’est plus susceptible d’amélioration significative sous l’effet de la thérapeutique et que la reprise d’un travail ne peut être définitivement envisagée.
Consolidation :
En cas d’accident non régi par la législation sur les accidents du travail : moment où la lésion se fixe et prend un caractère sinon définitif, du moins permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation.
En général, on utilise le terme «stabilisation» dans le risque maladie et on réserve le terme «consolidation» au risque professionnel (AT/MP) : cependant, il est licite d’employer le terme consolidation en lieu et place du terme stabilisation, quand la pathologie est d’ordre traumatique (par analogie à ce qui se passe en droit commun).
En pratique :
- La stabilisation est le moment où le recul est suffisant pour estimer que la situation n’est plus susceptible d’évolution significative. C’est donc le moment où le médecin conseil, avec un recul suffisant, est capable de statuer sur la réduction de la capacité de travail ou de gain.
- Le passage en invalidité peut survenir sur proposition du médecin conseil dès qu’il constate que l’état du malade n’est plus susceptible d’une amélioration telle, qu’une reprise d’une activité salariée soit envisageable (sous réserve que cette stabilisation se solde par une incapacité de travail ou de gain supérieure au 2/3).
Ce mode d’admission sera privilégié et proposé, au cours du suivi de l’arrêt de travail, dès que la stabilisation est acquise.
4.3.2 A la fin des droits aux indemnités journalières : forclusion
Articles L 324 -1 – L 323-1 – R 323-1 CSS.
- Au terme de 3 ans d’indemnisation pour une affection individualisée (3 ans d’arrêt continu ou d’arrêts discontinus avec des reprises d’activité inférieures à 1 an),
- Après 360 jours d’indemnités journalières en 3 ans pour des affections différentes.
La Caisse interroge le Service du contrôle médical sur la justification éventuelle d’une invalidité.
Le médecin conseil se prononce alors sur l’existence ou non d’une incapacité de gain au moins égale aux 2/3.
4.4 Invalidité en dehors de toute période d’indemnité journalière
4.4.1 L’assuré ne perçoit plus d’indemnités journalières depuis moins d’un an
Article L 341-8 CSS : Le médecin conseil se prononce à la date de la demande ou éventuellement au lendemain de la dernière indemnité journalière versée.
4.4.2 L’assuré ne perçoit pas d’indemnités journalières depuis plus d’un an
Le médecin conseil se prononce à la date de la demande au titre de l’usure prématurée de l’organisme.
4.5 Accompagnement de l’invalide
L’Assurance Maladie a créé une offre de service pour les personnes entrant en Invalidité : une information complète sur le dispositif « invalidité » sous forme de plaquette est remise à l’assuré par le service médical.
4.6 Mise en invalidité et information de l’employeur – Visite de reprise auprès du médecin du travail
Par deux arrêts des 25 janvier 2011 (n°09-42.766) et 15 février 2011 (n°09-43.172), la Cour de cassation est venue préciser que : « dès lors que le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité de 2ème catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit le faire convoquer à une visite de reprise auprès du médecin du travail ».
A la lumière de cet arrêt, plusieurs situations peuvent se présenter :
Situation A : le salarié ne se présente pas dans l’organisme à l’expiration des arrêts de travail et n’informe pas son employeur de l’octroi de la pension d’invalidité
L’employeur peut, dans ce cas, lui demander de justifier de son absence. Si le salarié ne répond pas à cette demande, l’employeur peut le licencier pour faute (absence injustifiée).
Situation B : le salarié informe son employeur de son admission au bénéfice d’une pension d’invalidité.
L’employeur doit, dans cette hypothèse, organiser sans tarder la visite de reprise (Cass. Soc. 25/01/2011, n°09-42.766).
L’employeur devra ensuite organiser une deuxième visite devant le médecin du travail, de cette visite découlera pour l’employeur l’obligation de reclassement et, le cas échéant, l’obligation de procéder au licenciement pour inaptitude.
Situation C : le salarié informe son employeur de son admission au bénéfice d’une pension d’invalidité et exprime dans le même temps son souhait de ne pas reprendre le travail.
L’employeur n’a pas à organiser de visite de reprise.
S’agissant des salariés classés en invalidité depuis plusieurs mois ou années et toujours présents à l’effectif, cet arrêt ne devrait pas modifier la gestion des situations existantes. En effet, la volonté des salariés en invalidité de ne pas reprendre le travail pourrait valablement se présumer au regard de la durée de leur absence au travail.
5 Etats invalidants ne relevant pas de l’invalidité
5.1 Les éléments d‘ouverture de droits ne sont pas respectés
Quel que soit l’état clinique.
L’invalidité ne pourra pas être attribuée, l’assuré relève peut-être d’un autre type d’indemnisation :
- après 60 ans : relève de l’inaptitude ?
- avant 60 ans : droit éventuel à l’Allocation d’Adulte Handicapé (AAH) ?
(demande à faire auprès de la CAF par les personnes n’ayant pas de droits administratifs ouverts à l’invalidité).
5.2 Etat antérieur à l‘immatriculation
L’état clinique constaté à la date de la demande
- existait AVANT la première immatriculation et ne s’est pas aggravé depuis
- et il n’existe pas de nouvelle affection surajoutée
Dans ce cas, l’assuré peut demander le bénéfice de l’Allocation d’Adulte Handicapé.
5.3 Etat entièrement en rapport avec une pathologie indemnisée à un autre titre
• Etat entièrement en rapport avec l’article L.115 des pensions militaires,
• Etat entièrement en rapport avec les séquelles d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle déjà indemnisés
A noter : la mise en invalidité est toujours possible lorsqu’il existe une ou des affections déjà indemnisées en accident du travail ou par une pension militaire, et qu’une affection nouvelle se soit surajoutée. Dans ce cas, la réduction de la capacité de gain doit être au moins des 2/3 toutes pathologies confondues.
5.1 Les états évolutifs
Dans la limite de l’ouverture des droits aux indemnités journalières.
6 Cas particulier : le conjoint survivant
Le conjoint survivant de l’assuré ou du titulaire de droit à pension de vieillesse ou d’invalidité, qui est lui-même atteint d’une invalidité de nature à lui ouvrir droit à pension d’invalidité, bénéficie d’une pension de veuve ou de veuf
6.1 Conditions administratives :
- conjoint de salarié du régime général,
- âge inférieur à 55 ans,
- absence de remariage.
6.2 Conditions médicales :
- Réduction de la capacité de travail ou de gain de plus des 2/3 au moment de l’appréciation, par le médecin conseil,
6.4 A noter que la pension de veuve ou de veuf d‘un assuré invalide :
- n’est jamais assortie de la majoration pour tierce personne
- prend fin :
- * en cas de remariage
- * si le bénéficiaire cesse d’être invalide
- * à 55 ans, une pension vieillesse se substituant alors à l’ancienne pension.
7 Catégories
7.1 Définitions
L’appréciation de la réduction de capacité de travail ou de gain permet de classer les invalides en :
- catégorie 1 : invalides capables d’exercer une activité rémunérée,
- catégorie 2 : invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque,
- catégorie 3 : invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
N.B. : le classement dans la 2ème ou 3ème catégorie des invalides, étant une appréciation médicale d’un handicap, ne saurait constituer une interdiction de travailler.
L’invalidité est toujours attribuée à titre temporaire et l’amélioration de l’état de santé ou, le plus souvent, l’adaptation d’un poste de travail, permet à un certain nombre de ces malades d’exercer une activité. S’appliqueront alors des règles administratives de limitation de cumul.
7.2 Montant de la pension
La pension d’invalidité est versée mensuellement et basée sur le salaire annuel moyen (S.A.M.) calculé à partir des dix meilleures années.
Elle est liquidée sur la base de :
• 30% du S.A.M. pour la 1ère catégorie
• 50% du S.A.M. pour la 2ème catégorie
• 50% du S.A.M. pour la 3ème catégorie + majoration tierce personne
Les pensions d’invalidité sont revalorisées chaque année.
7.3 Majoration de tierce personne
C’est l’incapacité d’effectuer seul, les actes ordinaires de la vie.
La définition de ces actes, précisée par une réponse ministérielle du 19 février 1958, a été complétée par la jurisprudence de la Cour de Cassation et de la Commission Nationale Technique.
Sont limitativement considérés comme tels :
- l’alimentation : boire, manger
- La toilette : se laver, s’habiller
- L’autonomie locomotrice : se lever, se coucher, se déplacer dans son logement
- Procéder à ses besoins naturels
Remarque :
Ces actes ordinaires de la vie sont distincts des actes domestiques (aide ménagère).
8 Voies de recours
Sujet du litige | Contentieux compétent |
- Stabilisation au cours d’un arrêt de travail :
l’assuré peut contester une stabilisation avant la fin du droit aux indemnités journalières - Etat antérieur à l’immatriculation NON aggravé depuis celle-ci et absence d’affection nouvelle - Etat déjà totalement indemnisé par une autre législation (accident du travail – article 115 pension militaire) et absence d’affection nouvelle |
EXPERTISE MEDICALE
L.141-1 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE |
- Refus d’ordre administratif (exemple : litige sur
ouverture des droits)- |
CONTENTIEUX GENERAL
(CRA puis TASS …) |
- Réduction de la capacité de gain inférieure au
2/3 |
CONTENTIEUX TECHNIQUE
(TCI puis CNITAAT) |
9 Points essentiels
- Etat global. Il prend en compte l’état clinique mais aussi le contexte socio-économique.
- Etat antérieur NON aggravé. Relativement facile quand la première immatriculation est récente, beaucoup plus difficile quand l’assuré a travaillé 15 ou 20 ans …
- Stabilisation. Etat globalement stable et l’assuré n’est plus apte à travailler. Mais aussi : état évolutif, péjoratif pour un assuré qui ne sera plus jamais apte à retravailler.
- Réduction de 66 % de la capacité de gain. Ce critère est commun à toutes les catégories d’invalidité : il peut être difficile à évaluer.
- Catégorie 1 ou 2. Etre ou ne pas être apte à exercer une activité aménagée ou à temps partiel
- Catégorie 3. Assistance d’une tierce personne pour les actes essentiels de la vie